Une journée chez Vladimir...

[ou comment décapiter la démocratie]..."

Voici un travail démarré avec Nicole Fraysse, artiste peintre, qui m'a demandé d'écrire quelques mots et fragments, des bouts d'histoires sur ses peintures, ses portraits : 40 tableaux et encore, au format 12x12. Pour en savoir plus poussez la porte, ici et là

Vous pouvez aussi écouter Nicole Fraysse ici...

Claudia

Prenez mon corps

Mon cœur est mort

Mon cœur est cassé

Détraqué

Prenez ma vie

Mes rêves jolis

Prenez ma vie

Mes jours mes nuits

Prenez tout

Ce que vous voulez

Mes joies mes peines

Tous mes secrets

Prenez tout

Ce que vous voulez

Mais vous n’aurez

Pas mon amour

Plus mon amour

Mon amour éperdu

Est perdu

Pour toujours

Mon amour est parti

Et mon cœur

Avec lui

Quelque part

En exil

Dans ces villes

Lointaines

Souveraines et lointaines

Et depuis

Mon cœur est mort

Mon cœur est lourd

Et je m’égare

Et depuis

Mon amour ou

Ce qu’il en reste

Erre

Dans les rues

De Bucarest

…

(Claudia, roumaine, 1926)

17 juillet 2012

Laromina

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  Qui suis-je
Où vais-je
Quel étrange cortège
Je ne sais pas
Je m’appelle Laromina

Quelle est ma vie

Ici, là-bas ou ailleurs

Et qui

Pour faire battre mon cœur

Qui suis-je où vais-je

Quel étrange cortège

Je ne sais pas

Je m’appelle Laromina

Le temps qui court

Est un papillon d’amour

Mais qui

Pour faire battre mes ailes et mon cœur

Qui suis-je où vais-je

Quel étrange cortège

Je ne sais pas

Je m’appelle Laromina

Où va le Monde

Tumultes et pénombres

Cette vie fragile

Funambule

Sur un fil

Qui suis-je où vais-je

Quel étrange cortège

Je ne sais pas

Je m’appelle Laromina

Et mon amour

Mon tendre et bel amour

Papillon, papillon

Vers quel exil

S'envole-t’il ?

Qui suis-je où vais-je

Quel étrange cortège

Je ne sais pas

Je m’appelle Laromina
...

Juin 2012

Radu

J’habite Constanta

une ville liquide

près de la Mer Noire.

Mon Coeur est un poisson heureux

qui nage dans les yeux

de velours

de mon Amour...

(Radu, roumain)

28 mai 2009

Miss Karaniovna

J’habitais Sarajevo

autrefois,

avant la guerre.

J’avais tout

l’utile et le nécessaire et même le superflu.

Aujourd’hui

Je n’ai plus rien.

Famille, amis,

Fortune, maison,

j’ai tout perdu,

même la raison.

Je n’ai plus que mes yeux pour pleurer

(Miss Karaniovna, riche héritière bosniaque désargentée)

1er juin 2009

Dominique

Je suis allé
Chez Vladimir
Pour un portrait
Avec sourire.
Mon regard est ailleurs
Quelque part avec mon cœur.
On ne voit pas la brume
Dans mes yeux

(Dominique, exilé français à Kiev)

31 mai 2009

Potleveschska

Toute la journée
Derrière les fourneaux
Dans ma cuisine
Teintée d’Orient
Et d’Opaline
J’imagine
Des odeurs fragiles
Des épices
Délices
D’ailleurs et d’exils
Des senteurs
Qui embaument mon cœur
Jour après jour
Pourtant
Peu à peu
Et lentement
Mon rêve s’écroule et sombre
Dans les eaus sales et profondes
Des vaisselles
Eternelles

(Potleveschska, cuisinière bulgare)

2 juin 2009

Emir

Mon violon
c’est ma maison
ma vie
c’est de la pluie

et toujours je voyage
dans les draps de la nuit

mon pays
c’est le Monde
et ronde
est ma maison

je n’ai pas de bagages
à peine quelques nuages

ailleurs
est mon exil
mon cœur
au bout d’un fil

et tout m’est paysage
papillon ma raison

ma vie
c’est de la pluie
et ronde
est ma maison

si l’on vous dit tsigane
ou si l’on vous dit Roms
dites-vous simplement
que je ne suis qu’un homme

(Emir, violoniste roumain, tsigane)

2 juin 2009

Madame Rimachovna

Vladimir est un très bon photographe
mais ce jour-là
je ne sais pas ce qui lui a pris,
tous les portraits qu’il a réalisés
étaient coupés.
Privés d’yeux,
nous étions aveugles...

(Madame Rimachovna, Russie)

28 mai 2009

Olga

Olga se souvient, Berlin,
Les fleurs du jardin
L’odeur du Lilas d’autrefois

28 mai 2009

Marina

Tourne, tourne, tourne

Ma folie passagère

Mes envies de rivières

Tourne, tourne, tourne

La rengaine est ancienne

Où je pars qui m’emmène

Tourne, tourne, tourne

Et je perds la raison

Le fil de la chanson

Tourne, tourne, tourne

Au grand hasard des routes

Mon destin goutte à goutte

Et je danse

Et je pense

À ma vie

Qui balance

Et je danse

Et je pense

À mon enfance

Enfuie

Dans la nuit

Et l’exil

Dans ce monde

Fragile

Et je danse

Et je pense

À ce Monde

Qui tourne

qui tourne
et qui tourne
 et qui tourne toujours
et encore

(Marina, danseuse roumaine)

3 juin 2009

Irma

Je vous prédis

Un peu de pluie

Des jours meilleurs

Du pain des fleurs

De l’eau et de l’air

Une maison d’amour et de bois

Près d’une rivière

Et d’autrefois

Une vie nouvelle

et des ailes

Pour rêver

Pour s’envoler

(Irma, voyante russe)

3 juin 2009

Nickolaï

Oui est non
non est oui.
A Nikopol
je m’ennuie.
Un jour
Quand j’aurai fini mes études
Je franchirai le Danube
Et j’irai loin
Très loin d’ici,
De ce pays
Couvert de pluie

(Nickolaï, étudiant bulgare)

1er juin 2009

Anton

J’ai dû tout comptabiliser

sans rien dire :

malades, morts, les enfants,

les animaux, arbres et maisons,

tout,

vraiment tout.

Je m’en souviens encore,

comme si c’était hier.

C’était en 1986,

à Tchernobyl.

(Anton, comptable, Ukraine)

28 mai 2009

Adorjan

Il y a tant de rêves
Qui s’achèvent
Au fond
Du Lac Balaton.
Infirmier
Je vais repêcher
Toutes ces bulles
Crevées, sombrées
Au fond de l’eau
Qui pleure.
Mon bateau
Est rempli de vies enfuies
D’espoirs ailleurs
D’exil
Funambule
Sur un fil

(Adorjan, infirmier, Hongrie)

1er juin 2009